A la suite de l’expertise médicale, le médecin expert va rédiger son rapport, dans lequel il listera les postes de préjudices qui serviront de base à l’offre d’indemnisation qui pourra être faite à la victime.
Au cours d'une expertise, l'expert judiciaire doit :
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Indiquer et mentionner toutes les personnes présentes à l'ouverture de l'expertise en indiquant leurs noms, leurs professions, et à quel titre ils assistent aux opérations d'expertise.
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Lire intégralement et lentement pour une bonne compréhension de tous, la mission d'expertise mentionnée dans l'ordonnance du Tribunal.
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Faire un rappel des faits en indiquant tous les documents qui sont en sa possession.
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Demander éventuellement des pièces médicales complémentaires (dont un double sera remis aux diverses parties en présence pour respecter le principe du contradictoire).
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Laisser chaque partie en présence, développer ses arguments et éventuellement répondre aux affirmations de l'adversaire.
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Etudier et interpréter les différentes pièces médicales du dossier (radiographies, comptes-rendus opératoires, examens biologiques...)
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Réaliser votre examen médical.
L'expert doit réaliser une véritable observation médicale, en indiquant votre état actuel, les séquelles observées de façon précise et codifiées pour permettre au juge d'évaluer les préjudices subis.
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Garder une totale neutralité et impartialité et éviter toute intervention ou remarque partisane qui pourrait vous déstabiliser.
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Fournir au juge un rapport d'expertise dans lequel il exposera un résumé des faits, leurs analyses par rapport à la pratique médicale et ses conclusions.
Normalement, le rapport d'expertise doit comporter 5 chapîtres :
L'exposé des faits, l'étude des pièces du dossier, l'examen médical de la victime, la discussion, la conclusion.
Si dans sa mission d'expertise, le magistrat n'a pas prévu la transmission d'un pré-rapport, votre médecin doit tenter de l'obtenir en le demandant au moment de l'expertise.
Dans la majorité des cas, sauf avis contraire de la partie adverse, l'expert acceptera votre requête.
Totalement ignorants du domaine médical, les juges s'en remettent aux conclusions des experts qu'ils ont nommés.
A la fin de ses conclusions, l'expert judiciaire doit évaluer vos différents préjudices, poste par poste, en lui attribuant un coefficient parfaitement codifié :
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de 0 à 7 pour le Prix de la douleur [ Pretium Doloris - PE ]
et le Préjudice Esthétique [ PD ],
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de 0 à 100% pour l'Incapacité Permanente Partielle [ IPP ]
ou Déficit Fonctionnel Permanent [ DFP ]
ou Atteinte à l'Intégrité Physique et Psychique [ AIPP ].
Ces coefficients seront traduit en euros par votre avocat.
L'expert n'est qu'un " technicien médical " nommé par le juge et chargé de l'éclairer sur la réalité de la faute et l'importance des séquelles.
Le juge reste seul maître de la décision et peut parfaitement rendre un jugement totalement différent des conclusions de l'expert judiciaire.
Néanmoins, dans la grande majorité des cas, le juge va s'en remettre aux conclusions de l'expert médical qui, ne l'oublions pas a été nommé par lui.
Il faut savoir que la victime n'est pas obligée d'accepter les conclusions de l'expert.
En effet, lorsqu'une victime sollicite la réparation des préjudices qu'elle a subi à la suite d'un dommage corporel, on peut souvent lui opposer l'existence d'un état antérieur pour justifier une évaluation modérée des préjudices subis ainsi qu'une indemnisation limitée.
La compagnie d'assurance se fonde bien entendu sur le rapport d'expertise du médecin-conseil qu'elle a missionné.
Les médecins-conseils habituellement missionnés par les assureurs sont rompus à cet exercice classique qui consiste à rechercher et à bien mettre en évidence l'existence d'un état antérieur.
Ce qui justifie bien entendu de ne pas imputer les séquelles au fait dommageable mais plutôt à l'état antérieur ou à des prédispositions pathologiques de la victime.
Les médecins de recours assistant la victime devraient alors rappeler que la jurisprudence de la Cour de cassation, constante depuis 1973, ne permet pas de réduire l'indemnisation du préjudice corporel de la victime en raison de prédispositions pathologiques.
Les avocats spécialisés de victimes doivent être également vigilants sur ce point lors des expertises. Cela d'autant qu'un état antérieur peut facilement être mis en évidence, notamment sur les examens d'imagerie.
Cette situation démontre une nouvelle fois que les compagnies d'assurances sont prêtes à tromper les victimes de dommages corporels pour limiter le règlement des indemnités dues.
La Cour de Cassation rappelle dans un arrêt de la Deuxième Chambre Civile du 8 juillet 2010 que : " Le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable".
Donc, si on veut minimiser les préjudices subis au prétexte que votre état antérieur, un état dépressif par exemple, vous prédisposait à ces dommages, ne vous laissez pas faire, n’hésitez pas à contester les termes du rapport.
Comment contester une Expertise Médicale?
La loi Badinter prévoit les modalités de l'examen médical pratiqué à la demande de l'assureur. La victime a la possibilité de se faire assister par un Médecin Expert Conseil de Recours de son choix. Il y a également la possibilité de désignation d'un Médecin Expert par le juge des référés lorsque la victime récuse le médecin choisit par l'assureur.
Première solution : l'expertise contradictoire
Lorsque l'assureur et la victime prennent chacun leur expert médical, on parle d'expertise contradictoire Ceci ne se limite pas à la nomination de médecins experts : il convient de préparer au préalable avec l'adversaire un protocole d'expertise contradictoire dans lequel sera bien cadrée la mission commune qui sera demandée aux deux médecins experts
Deuxième solution : l'expertise arbitrale
Lorsque les deux médecins de l'expertise contradictoire ne sont pas d'accord, il y a possibilité que les deux parties s'accordent sur le nom commun d'un médecin expert qui tranche : c'est l'arbitrage. En ce cas la décision du médecin arbitre a la valeur d'une expertise judiciaire.
Attention : il est très courant, pour ne pas dire plus, que ce soit l'assureur qui propose l'arbitrage. Il invite alors la victime à choisir parmi une liste de médecins experts que lui même a choisi...ne tombez pas dans le piège!
Troisième solution : l'expertise judiciaire
ll s'agit alors de saisir le juge pour lui demander la désignation d'un médecin expert chargé de chiffrer les préjudices. Il convient d'être prudent et de n'employer cette solution qu'en dernier recours. Non seulement la victime ne connaît pas cet expert médical, mais encore les médecins experts des tribunaux, pour beaucoup, travaillent déjà pour les assureurs ... Il est donc souhaitable de particulièrement bien préparer la demande d'expertise auprès du juge et de faire en sorte d'obtenir un pré-rapport avant le dépôt final du rapport...
Donc, dernier conseil, n'allez pas seule à une expertise médicale, faites vous assister d'un médecin expert conseil de recours, lisez attentivement le rapport et contestez si besoin, vous avez des droits, faites les respecter.
Dans un prochain article, je vous parlerais des différents types de préjudices.
Article écrit par Victime de prothèses PIP.