Hier, s'est tenu un nouveau comité de suivi au ministère de la santé,
présidé par le Pr Jérôme Salomon puis le Pr Benoît Marin.
Étaient représentés : la DGS (Direction Générale de la Santé), la DGOS (Direction Générale de l'Offre de Soins), l'ansm (Agence de Sécurité du Médicament et des produits de santé), l'HAS (Haute Autorité de Santé), le réseau Lymphopath, la SoFCPRE (Société Française de Chirurgie Plastique Reconstructrice et Esthétique), le SNCPRE (Syndicat National de Chirurgie Plastique Reconstructrice et Esthétique), la FSM (Fédération des Spécialités Médicales), Pr Fabien Reyal (Institut Curie), l'INCa (Institut du Cancer), le SNITEM (Syndicat National de l'Industrie des Technologies Médicales), la CNAM (Caisse Nationale d'Assurance Maladie) et moi même.
A noter que j'étais la seule représentante de patientes !
Ordre du jour :
1. Suites de la décision de police sanitaire (ANSM)
2. Point sur le registre LAGC-AIM du LYSA-LYSARC (en lien avec le réseau Lympopath)
3. Présentation des résultats de l’étude BRICK (Pr REYAL)
4. État d’avancement du déploiement du registre implants mammaires (CNP CHIRURGIE PLASTIQUE)
5. Présentation des documents d’information des femmes (DGS)
6. Points divers
1. Suites de la décision de police sanitaire (ANSM)
Mme Chrystelle Ratignier-Carbonneil rappelle le contexte de la décision de police sanitaire du 02 avril dernier interdisant les implants macro-texturés et ceux en polyuréthane. (ici)
- Rappels des dispositifs
Les fabricants ont tous été informés et procèdent aux rappels de leurs implants distribués sur le marché français.
Monsieur Thomas suit ces rappels afin de s'assurer que tous les implants ont été retirés du marché, diversement suivi selon les fabricants, voir tableau ci dessous (suivi à 2 mois).
- Demandes des patientes :
26 patientes ont appelés directement l'ansm, essentiellement pour savoir si leurs implants étaient concernés et avoir des conseils sur le suivi.
Il y a eu 2488 appels sur le numéro vert, très nombreux la première semaine d'avril, aujourd'hui, il subsiste une dizaine d'appels par jour. Mêmes questions, concernant leurs implants, la conduite à tenir et les conseils de surveillance.
Rappel de la mise en ligne de questions/réponses sur le site de l'ansm. (ici)
- Retentissements en Europe
La commission européenne a saisi le SCHEER, (Comité Scientifique Européen sur la Santé, l'Environnement et les Risques Émergents) (ici) le 18 juin 2019 concernant la sécurité des implants, le LAGC-AIM, la texturation et les alternatives aux implants.
Aux Pays Bas :
Le 5 avril, dans l'attente du rapport RIVM, équivalent de notre ansm, la société savante des chirurgiens esthétiques recommande de ne pas utiliser d'implants macro-texturés.
Le 17 mai, le RIVM signale une sur représentation des implants Allergan Biocell mais peu de données exploitables sur les autres fabricants.
Une réunion d'experts est programmée à Amsterdam le 4 juillet prochain, des représentants de l'ansm assisteront à cette réunion.
En Suisse :
Le 18 février 2019, la société savante de chirurgiens esthétiques a recommandé d'utiliser plutôt les implants lisses.
- Hors Europe :
La FDA américaine a organisé une réunion d'experts les 25 et 26 mars derniers sur le modèle de celles qui ont eu lieu à l'ansm en février. (ici)
Elle recommande de continuer le surveillance des LAGC-AIM et du BII (Breast Implants Illness ou maladie des implants mammaires) à travers les registres.
Santé Canada :
Suspension des implants Allergan type Biocell le 28mai 2019.
Australie :
Réunion d'experts sur le lien entre la texture et le LAGC-AIM le 8 avril, avis attendu mi-juin, mais pas encore connu.
Une Task Force a été mise en place pour une harmonisation des classifications de texturation des implants entre autorités compétentes européennes et internationales : France, UK, Pays Bas, Canada, Irlande, USA, Australie, Icobra (regroupement de registres).
Pour le moment, elle est en phase d'étude des différentes classifications existantes.
- Surveillance renforcée des implants mammaires
Matériovigilance : 67 cas de LAGC-AIM déclarés à ce jour, moyenne d'âge 58 ans, durée moyenne d'implantation 13 ans, nombre de cas équivalents en reconstruction après cancer et en chirurgie esthétique.
Les antécédents des patientes ont été étudiés et notamment l'historique de leurs divers implants, soit 106 au total.
Aucun cas de LAGC-AIM sur des implants lisses exclusifs, toutes les femmes atteintes ont eu une prothèse macro-texturée dans leur histoire. (voir le tableau ci dessous)
- Plan d'actions de l'ansm :
Amélioration de l'information des professionnels de santé et des patientes, en collaboration avec les différentes institutions, les sociétés savantes et les associations de patientes
Obtenir plus d'informations de la part des fabricants, notices, carte d'implant, consentement éclairé, durée de vie des implants, texturations, taux de rupture à 5 et 10 ans
Surveillance des nouveaux implants certifiés mis sur le marché français, demande d'informations sur les procédés de fabrication, la classe de texture, demandes d'images de microscopie électronique et d'échantillons
Suivi de l'évolution de la distribution
Évaluation et surveillance des BII (maladie des implants mammaires)
2. Point sur le registre LAGC-AIM du LYSA-LYSARC
(en lien avec le réseau Lympopath)
Le Pr Corinne Haïoun et le Pr Philippe Gaulard nous présentent les derniers résultats connus.
- 67 cas déclarés à ce jour
- Période de latence très variable, de 5 mois à 27 ans
- Autant de cas en chirurgie reconstructrice qu'en chirurgie esthétique
- Pas de cas sur des implants lisses exclusifs, les femmes ont toutes à un moment donné été porteuses d'implants macro-texturés
- 2 formes retrouvées : Forme "in situ", cellules tumorales retrouvées dans le liquide péri-prothètique ou sérome et/ou la capsule dans 75% des cas, traitée par chirurgie seule, de bon pronostic et forme invasive, masse tumorale dans 25% des cas, nécessite chirurgie, plus chimio et/ou radiothérapie, plus agressive
- 34 patientes ont bénéficié d'un séquençage génomique, 20 formes in situ et 14 formes tumorales. Une mutation génétique a été retrouvées dans 75% des cas. Cette mutation est acquise et non transmissible
- La corrélation entre l'apparition du lymphome et la durée d'exposition à la prothèse n'a pas encore été explorée
- Les cas sont colligés dans un registre déclaré et autorisé depuis le 14 janvier 2019, en cas d'implantations multiples, les prothèses antérieures sont recherchées et renseignées, y compris les expandeurs
- Enregistrement rétrospectif et prospectif des cas de lymphomes
- A noter que 3 patientes ont refusé que leurs données soient enregistrées et 5 sont en attente de "non opposition"
- Depuis le 14 juin 2019, le registre accueille les données des patientes belges, 21 cas
Actualisation des données résumées dans le tableau ci dessous :
Prothèses implantées plus de 28 jours avant le diagnostic de lymphome (52 patientes, 153 prothèses)
Sur ces 52 patientes, une majorité était des formes in situ, 98% ont été traitées par la chirurgie et 30% ont reçu de la chimio, 80% de rémission complète, 5 sont DCD, mais c'était des formes agressives infiltrantes (4 ont progressé et sont décédées du lymphome dont 2 décès associés à une rechute du cancer du sein et une est décédée d'une autre maladie)
La surveillance instituée est une IRM tous les 6 mois les 2 premières années puis une tous les ans
Se pose la question de la reconstruction après l'explantation et le diagnostic de lymphome ...
Conclusions
- Il est urgent de mettre en place un registre répertoriant les références des prothèses implantées et leur devenir
- Il est important d'obtenir des données épidémiologiques sur le nombre de femmes implantées par an ainsi que le motif d'implantation
- Il faut organiser le suivi des femmes à risques ainsi que celui des femmes ayant présenté un lymphome (rechute, survie, complications liées aux traitements, reconstruction ...)
- Poursuivre les recherches pour comprendre la physiopathologie de ce nouveau lymphome
- Trouver des financements pour poursuivre ces travaux
3. Présentation des résultats de l’étude BRICK (Pr REYAL)
Le Pr Reyal commence par s'excuser du retard dans la finalisation de cette étude et comprends l'attente des patientes.
Rappel de cette étude attendue depuis fin 2015 (ici)
Objectifs de cette étude :
Dans le contexte de l'affaire PIP, analyse des complications des prothèses dans le cadre de la reconstruction après cancer en fonction des différentes marques d'implants
Cette étude a été réalisée sur les dossiers des patientes reconstruites après cancer à l'Institut Curie, au Centre René Huguenin et à l'Institut Gustave Roussy
Panel de patientes retenues ci dessous
Sur ces 2950 seins retenus, il a été identifié 9 parcours de soin différents :
Ont été étudiés ensuite, la marque du premier implant et des suivants, le délai entre le diagnostic de cancer et la reconstruction, le nombre d'implants par sein, les explantations et les causes ...
Un grand nombre d'informations très hétérogènes
avec de très nombreuses données manquantes.
Il n'a pas été retrouvé de différence significative sur les causes de retraits entre les PIP et les autres marques, idem pour le nombre de ruptures, la survie globale est excellente quelle que soit la marque, (à noter que les femmes que l'on reconstruit vont bien et ont un meilleur pronostic)
Le Dr Garson demande si les implants PIP étaient anatomiques, Le P Reyal répond que oui, dans la majorité des cas.
Le Dr Garson précise que Mr Mas, patron fraudeur de PIP, avait dit lors du procès que les implants anatomiques étaient fabriqués avec du gel médical et qu'il n'était donc pas étonné qu'il n'y ait pas de différence. Les femmes étaient en général ravies de leurs reconstructions avec les implants PIP.
Je rappelle que la défense de Mr Mas était surtout d'éviter l'aggravation en terme judiciaire, puisque la peine était doublée, et que cette information était fausse.
Les ruptures n'étaient peut-être pas plus importantes, mais la membrane barrière ayant été enlevée en 2007, les perspirations du gel de silicone industriel et non médical, étaient importantes et causaient de très gros problèmes inflammatoires sans rupture.
Je cite mon cas, gros problème inflammatoire 3 semaines après l'implantation, désunion de la cicatrice à un mois, coque stade 3-4 à 2 mois et lors de l'explantation 6 mois après la pose, perte de 10% du volume de la prothèse avec le gel répandu dans la loge opératoire.
Le Pr Reyal cite une étude sur l'apparition de cancer du sein chez des porteuses d'implants, ce registre comprend environ 200 femmes et aucun lymphome à ce jour.
4. État d’avancement du déploiement du registre implants mammaires
(CNP CHIRURGIE PLASTIQUE)
L'enregistrement prospectif des implants est une obligation légale, le registre fait partie du programme international ICOBRA (ici).
Ce registre est opérationnel depuis septembre 2016, mais des problèmes administratifs d’autorisation avec la CNIL ont retardé son déploiement.
L'autorisation de la CNIL étant acquise depuis début 2019, les données des praticiens et celles des implants rentrées dans la base de données, il va pouvoir être mis en service le 1er juillet prochain.
50 chirurgiens volontaires et motivés vont le tester cet été, une notice d'utilisation sera envoyée à tous les chirurgiens, sénologues et gynécologues susceptibles d'implanter des prothèses dès la rentrée pour une généralisation.
Il ne sera ni rétrospectif ni obligatoire.
Cependant, lors d'un changement d'implant, les données de la prothèse explantée pourront être renseignées.
Les déclarations d'évènements indésirables seront générées automatiquement et envoyées à l'ansm.
Il n'est pas exclu que cette démarche soit liée aux procédures de certifications des praticiens, ce qui serait incitatif.
A noter que le remplissage de ce registre prend environ 3 minutes par implant.
Il ne sera pas nécessaire d'obtenir le consentement de la patiente, elle en sera simplement informée.
Aujourd'hui, il est implanté entre 50 et 60 000 prothèses par an en France, ce qui devrait permettre d'avoir des informations intéressantes rapidement.
5. Présentation des documents d’information des femmes (DGS)
Depuis le dernier comité de suivi du 8 avril, le groupe de travail associant les représentantes de patientes, la DGS, l'ansm, la DGOS, l'INCa, l'HAS, la SoFCPRE s'est réuni 3 fois.
L'objectif était d'élaborer des documents d'informations destinées aux femmes candidates à une implantation, soit dans le cadre d'une reconstruction après cancer du sein soit dans le cadre de la chirurgie esthétique.
Les documents de 16 pages, finalisés en 2017 étaient trop longs et quasiment jamais remis aux femmes. Ils ont été revus et simplifiés.
3 axes ont été retenus :
- Avant la pose : Informations sur les risques et complications ainsi que sur les coûts associés
- A l'implantation : Informations sur les risques opératoires et la remise de la carte d'implant
- Après l'intervention : Nécessité et modalités d'un suivi annuel avec symptômes d'alerte amenant à consulter et signalement des effets indésirables ainsi que la prévision de changement d'implant au cours de la vie avec ré-interventions et coûts associés
La diffusion sera étendue à tous les professionnels de santé en contact avec les femmes, aux établissements de santé, aux centres de lutte contre le cancer, aux centres d'imageries, sur les sites institutionnels, les supports des représentantes de patientes, blog et forums, les sites de chirurgie esthétique.
Les documents issus de ces réunions de travail ont été présentés et les membres du comité ont jusqu'au 4 juillet pour présenter leurs ultimes remarques afin de rendre la diffusion possible rapidement.
6. Points divers
- Mr le Pr Marin informe de la volonté de simplifier les prises en charges de suivi d'imagerie annuel pour les femmes porteuses d'implants
Les modalités de prises en charge des complications seront précisées, notamment de pouvoir supprimer les demandes d'entente préalable avant explantation comme c'est le cas actuellement
- Je pose la question des prises en charge de demande d'explantation des femmes porteuses d'implants Allergan en l'absence de complication ... Elles sont étudiées au cas par cas
- L'HAS étudie les alternatives aux implants dans le cadre des reconstructions après cancer
- Concernant la maladie des implants mammaires que l'ansm souhaite suivre, je précise que l'association ARCASIM (Aide à la Recherche des Complications de l'Adjuvant Silicone dans les Implants Mammaires) vient de voir le jour à ce sujet (ici). Son objectif est de participer aux travaux de recherche afin d'étudier et de prendre en charge au mieux les femmes qui sont en errance médicale à ce jour.
Il serait bien que cette association soit invitée lors du prochain comité de suivi.
Cette association a été présentée le matin même, lors d'un colloque sur les syndromes de fatigue chronique et les myofascites à macrophages organisé par l’association E3M avec l'équipe du Pr Authier de l'hôpital Henri Mondor.
Je ferais un autre compte rendu de cette journée.
Article écrit par Victime de prothèses PIP